Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/382

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Zapote vint résolûment en aide à son compère.

« Mon compadre, fit-il, n’ose pas déclarer toute la vérité par précaution pour moi, et je la dirai à sa place, voici le fait : en sortant d’ici pour aller rejoindre le seigneur don Rafael devant Huajapam, mon compère a été pris par les batteurs d’estrade d’Arroyo, amené à son camp, et en grand risque de perdre la vie si… par, égard pour notre compadrazgo et par amitié pour lui, je n’eusse consenti à le sauver au péril de mes jours.

— Vous étiez donc dans le camp d’Arroyo ? s’écria le lieutenant.

— On voit parfois un agneau parmi des loups, répondit le Zapote d’un ton de componction.

— Oui, quand l’agneau ressemble au loup à s’y méprendre.

— À tout péché miséricorde ; j’étais un agneau fourvoyé, et voilà tout.

— Hum ! un agneau hurlant, avec griffes et dents acérées. Enfin, continuez.

— J’ai toujours aimé la vertu, reprit le Zapote, et, en ma qualité d’homme vertueux, j’étais fort dépaysé parmi tous ces bandits, quand mon compère vint m’offrir l’occasion de fuir vertueusement. »

Le grand mot de vertu, que le Zapote faisait si pompeusement passer par les formes du substantif, de l’adjectif et de l’adverbe, semblait si malsonnant dans sa bouche, que le Catalan s’écria :

« Corbleu ! cet acte de vertu devait vous être bien lucratif !

— Rien n’est lucratif comme l’honnêteté, c’est mon axiome ; toujours est-il que, si je n’avais pas servi sous Arroyo, les anciens compagnons que j’ai rencontrés dans le bois ne m’eussent pas appris que ce fugitif, que nous ne connaissions pas, n’était autre que don Rafael ; je ne serais pas venu vous avertir du danger qu’il court, et mon compadre eût été pendu ou fusillé.