Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/385

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Pendant que le cheval, débridé, trouvait une ample pâture dans les herbes vertes des bords du fleuve, don Rafael, de nouveau tapi derrière les roseaux, aperçut un homme qui se disposait à traverser à pied le gué du fleuve pour venir de son côté.

L’homme était seul, et, quel qu’il pût être, don Rafael se promit de ne pas le laisser passer sans l’interroger. Quand le piéton prit pied sur la rive, le colonel, le sabre à la main, courut vers lui en lui donnant l’ordre de l’attendre, l’assurant qu’il n’aurait rien à craindre.

L’homme parut néanmoins fort effrayé de cette sommation et de la présence soudaine du colonel, dont, il faut l’avouer, la longue lame et les habits déchirés et fangeux n’avaient rien de fort rassurant.

« Seigneur Dieu ! s’écria celui-ci, laissez passer un serviteur qui va chercher du secours pour ses maîtres.

— Quels sont vos maîtres ? demanda le colonel avec douceur.

— Ceux de l’hacienda de San Carlos.

— Don Fernando Lacarra et doña Mariana Silva[1].

— Vous les connaissez ?

— Sont-ils en danger ?

— Hélas ! reprit le serviteur, leur maison est pillée, et j’ai entendu les gémissements de mon malheureux maître sous le fouet d’Arroyo…

— Quoi, encore ce misérable ! interrompit don Rafael avec violence.

— C’est toujours lui quand il y a quelque crime à commettre.

— Et votre maîtresse doña Marianita ?

— C’était pour lui arracher la révélation de l’endroit où elle était cachée que le brigand infligeait la torture du fouet à mon maître ; heureusement j’ai pu la sous-

  1. Au Mexique, la femme mariée garde le nom de son père, contrairement à l’usage de France, où elle ne porte plus que celui de son mari.