Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/41

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sa discrétion. En attendant, continua-t-il, jamais neveu plus affamé ne se sera présenté chez un oncle ; car, grâce à cette désertion inexplicable des villages que j’ai traversés et au soin qu’ont pris leurs habitants d’emporter avec eux jusqu’au plus chétif poulet, il y a peu de chacals dans ces environs plus à jeun que je ne le suis moi-même. »

Le dragon était dans le même cas que l’étudiant : comme lui depuis deux jours, tandis que son cheval du moins pouvait se rassasier à l’aise de l’herbe des champs, des jeunes pousses de maïs ou, à leur défaut, de feuilles d’arbres, son cavalier, lui, n’avait pu se nourrir que des fruits sauvages de ces plaines désertées.

Ce retour sur leur situation présente chassa tout à coup jusqu’à la dernière idée de dissentiment politique, et la plus complète harmonie régna entre les deux voyageurs affamés.

De son côté, le dragon apprit à l’étudiant que, depuis l’emprisonnement du vice-roi, Iturrigaray, son père, gentilhomme espagnol, s’était retiré dans son domaine del Valle, où il allait le rejoindre, et que ce domaine lui était encore inconnu. Moins expansif toutefois que l’étudiant de Valladolid, le capitaine des dragons de la reine ne disait pas quels étaient, au fond, les véritables motifs de son voyage, ainsi qu’on le verra par la suite.

Cependant l’ardeur momentanée du cheval de don Cornelio se calmait petit à petit, et peu à peu aussi l’étudiant, occupé du soin incessant de jouer de la cravache et de l’éperon, laissa languir la conversation, à l’aide de laquelle on trompe les longues heures du voyage. Le soleil commençait à s’incliner à l’horizon vers le couchant, et déjà les ombres des cavaliers s’allongeaient sur la route poudreuse, tandis qu’à la cime des palmiers les cardinaux au plumage écarlate et les perruches vertes commençaient à siffler leurs chansons du soir.

La soif, aux angoisses plus poignantes encore que