Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/423

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lourdissaient à mesure que son imagination devenait plus calme.

Comme le colonel Tres-Villas, il compta sur le hasard, dont il était l’hôte pour ainsi dire, et, ainsi que l’avait fait don Rafael, il s’attacha à l’arbre qui lui servait d’asile et s’endormit d’un rapide et tranquille sommeil, dont la première heure ne fut pas troublée.

Il n’en devait pas être de même de la seconde, qui lui ménageait un réveil aussi imprévu que terrible.

Don Cornelio n’était pas si profondément endormi qu’un bruit inexplicable au milieu de la solitude ne vînt frapper ses oreilles. Il se réveilla en sursaut, car il avait cru entendre le son bien distinct d’une cloche traverser l’air et venir jusqu’à lui.

Le capitaine écouta, en souriant d’avoir rêvé sur son arbre du clocher de son village natal ; mais ce n’était pas un rêve. Le même son se reproduisit, et, à sa grande surprise, il compta jusqu’à douze coups nets et clairs, comme ceux que frappe le marteau d’une horloge à minuit.

Ce pouvait être en effet l’heure que marquait la lune, et don Cornelio ne put se défendre d’un second accès de frayeur : car, au milieu du muet et sombre paysage qui l’entourait, il ne voyait que le sommet dépouillé des mornes, puis des plaines unies au-dessus desquelles ne s’élevait aucun clocher d’hacienda ou de village.

Les vibrations de la cloche frémissaient encore dans l’air, et c’était bien du sein du lac, des flancs vitreux de la colline enchantée, qu’elles s’étaient élevées.

Ce fut comme un signal auquel on eût dit que les divinités indiennes s’éveillaient de leur sommeil séculaire.

La lune montait toujours, et les flots de lumière qu’elle versait sur le lac pénétraient jusqu’au fond de ses roseaux.

Des rumeurs vagues, que don Cornelio avait cru en-