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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/437

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pouvait se dissimuler que son terrible bras allait l’atteindre.

Il eut un moment d’espoir, néanmoins ; car les soldats de la suite du colonel n’étaient pas aussi bien montés que leur chef, qui les précédait de cinq ou six longueurs de cheval. Le bandit pouvait ordonner à sa troupe de faire volte-face et d’envelopper don Rafael, avant que ses cavaliers eussent pu le rejoindre ; mais le cœur lui fit défaut, et cette dernière chance de salut lui échappa. La force indomptable du colonel ; et son courage aveugle lui étaient trop connus pour qu’il espérât le terrasser dans le court instant qui suffirait à ses gens pour lui venir en aide.

Arroyo était arrivé à l’extrémité orientale du lac ; à peu de distance s’étendaient devant lui des plaines immenses, dans lesquelles il se flattait de se dérober à la poursuite de son ennemi.

Il continua donc sa course, résolu à n’user qu’à la dernière extrémité de la périlleuse ressource que lui fournissait l’avance du colonel.

Mais don Rafael, en dépit des passions fougueuses qui l’agitaient, suivait d’un œil attentif toutes les manœuvres du bandit, et il sembla deviner son intention, car, depuis quelques secondes déjà, il s’écartait de la courbe du lac pour lui couper tout espoir de retraite à sa droite, et lorsque Arroyo, que Bocardo suivait de près, fit un écart brusque en s’éloignant du rivage, il n’était plus temps.

Le cheval au souffle rauque et son cavalier bondissaient en ligne parallèle aux deux bandits, en jetant une ombre formidable jusqu’aux jambes du cheval d’Arroyo. Celui-ci se porta rapidement sur la gauche : c’était ce que voulait don Rafael, qui semblait dans l’intention d’agir avec lui comme on agit avec le cerf, qui, pressé par le chasseur, n’a plus pour dernier moyen de salut que l’étang contre lequel il est acculé.