Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/44

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et ne tarda pas à disparaître dans un nuage de poussière.

« Vive Dieu ! se dit Lantejas avec un soupir de soulagement, ce Lestrygon affamé eût été capable de me dévorer. Quant à me trouver jamais sur un champ de bataille en face de ce Goliath ou de tout autre, j’en défie le diable et ses cornes, car bien fin celui qui fera de moi un soldat pour ou contre l’insurrection. »

Et l’étudiant continua sa route solitaire, comparativement enchanté de se trouver seul, après le danger qu’il s’imaginait avoir couru, sans penser qu’à moins d’une fermeté d’âme à toute épreuve, l’homme ne sait jamais la veille ce qu’il sera forcé de faire le lendemain.

Des nuages rouges teignaient l’horizon vers le couchant, quand, à une assez longue distance devant lui, le voyageur aperçut un Indien, et dans l’espoir d’obtenir de lui quelques provisions, ou du moins des renseignements sur les particularités qu’il n’avait pu s’expliquer jusqu’alors, il essaya de pousser plus vigoureusement son cheval.

L’Indien chassait devant lui deux belles vaches laitières dont l’étudiant pouvait distinguer les mamelles gonflées, et ce spectacle ne faisait qu’accroître le désir qu’il éprouvait de le joindre.

« Holà ! José ! » cria, don Cornelio de toutes ses forces.

À ce nom de José, qui est celui auquel un Indien répond toujours, comme un Irlandais à celui de Paddy, l’Indien tourna la tête d’un air épouvanté.

Malheureusement, et il était aisé de prévoir le cas, d’après ce qui a été dit précédemment, le cheval n’eut pas plutôt aperçu les deux vaches, qu’avec une vigueur dont il ne paraissait plus susceptible, il se mit à trotter, de son trot le plus désagréable, dans une direction tout à fait contraire à celle vers laquelle on le poussait.

Don Cornelio n’en continuait pas moins ses efforts pour faire arrêter l’Indien. Mais, à l’aspect de ce cavalier qui lui criait de venir à lui tout en s’éloignant lui-même,