Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/451

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La jeune fille soupirait, et cependant cet amour sans mélange, dont, aux dernières clartés de la lune, elle pouvait encore voir l’empreinte sur chacun des traits de son amant, aurait dû la rassurer et dissiper jusqu’à son dernier soupçon. Don Rafael s’occupait de cette douce tâche.

« Je ne puis vous croire, Rafael, disait Gertrudis ; mais, quant à la sincérité de mes paroles, vous n’en sauriez douter, n’est-ce pas ? car ce messager vous disait clairement que je ne pouvais… plus vivre… loin de vous. Alors vous êtes venu… Oh ! Rafael ! ajouta-t-elle avec un sanglot de douloureux bonheur qu’elle essaya vainement d’étouffer, que me direz-vous donc pour me convaincre que vous m’aimez toujours ?

— Ce que je vous dirai ? reprit simplement don Rafael ; mais rien, Gertrudis : vous avez reçu de moi le serment que dussé-je avoir le poignard levé sur mon plus mortel ennemi, ma main resterait suspendue sans frapper pour suivre votre messager ; je suis venu, et me voici.

— Vous êtes généreux, je le sais, Rafael ; mais… vous l’aviez juré… Oh ! mon Dieu ! s’écria Gertrudis avec effroi, qu’entends-je ? »

Un horrible cri d’appel venait de retentir dans la plaine jusqu’aux rochers du Monapostiac, avec une intonation si lugubre, que la jeune fille en avait tressailli d’épouvante.

« Ce n’est rien, répondit le colonel, c’est la voix d’Arroyo. Arroyo est l’un des deux meurtriers de mon père, dont la tête, séparée du cadavre et encore toute sanglante, reçut mon serment de poursuivre le monstre à outrance… Chut ! Gertrudis, ne craignez rien, ajouta-t-il pour répondre à un nouveau geste d’effroi qu’elle venait de faire ; le bandit est garrotté là-bas sur le sable. Tout à l’heure, je tenais en ma puissance l’homme que j’avais vainement poursuivi pendant deux ans, quand