Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/48

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trait sa trace fortement marquée sur le sol glaiseux. On en comptait une vingtaine de différentes dimensions. Puis, ce qui achevait de rendre cette découverte particulièrement terrible, c’est que l’eau d’une petite mare voisine de la rivière était encore jaunâtre, n’ayant pas eu le temps de reprendre sa limpidité première.

« Il ne doit pas y avoir une demi-heure qu’ils sont venus boire ici, continua l’Indien, car l’eau est trouble, comme vous pouvez le voir vous-même. Essayez de savoir combien il y en avait.

— J’aimerais mieux m’en aller, repartit le noir dont un brouillard obscurcissait la vue, et qui essayait en vain d’obéir à l’Indien, en comptant les empreintes ; Jésus, Maria ! toute une procession de tigres !

— Oh ! vous exagérez. Voyons ! Comptons. Un, deux, trois, quatre : le mâle, la femelle et deux cachorros (petits). Il n’y a que cela et pas plus. Ah ! c’est un agréable aspect pour un tigrero !

— Vous trouvez ? dit le nègre d’un ton lamentable.

— Oui, et cependant je ne les chasserai pas aujourd’hui ; nous avons mieux à faire tous deux.

— Ne pourrions-nous prendre rendez-vous pour un autre jour et retourner à l’hacienda ? Quelque curiosité que j’éprouve à voir les choses merveilleuses que vous m’avez promises.

— Consentir à différer d’un jour ! Cela ne se peut ; car ce serait partie remise à un mois, je vous dirai tout à l’heure pourquoi, et dans un mois nous serons loin de ce pays. Asseyons-nous ici. »

Joignant l’action à la parole, l’Indien s’assit à quelques pas de l’endroit où ce dialogue avait lieu, et bon gré mal gré, le noir fut forcé de l’imiter. Cependant il semblait ne promettre qu’une attention si distraite, ses yeux erraient avec une anxiété si visible sur tous les points de l’horizon, que le tigrero crut devoir le rassurer de nouveau.