Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/49

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« Vous n’avez rien à craindre, Clara, je vous l’affirme, répéta l’Indien au nègre. Le tigre, la tigresse et ses deux cachorros, ayant pour se désaltérer tout le cours de cette rivière, ne s’aviseront nullement de venir boire auprès de nous, et encore moins de nous chercher noise ; puis ne viennent-ils pas de boire ?

— J’ai ouï dire qu’ils étaient très-friands de la chair des noirs, reprit le nègre assez bizarrement appelé du nom féminin de Clara.

— C’est une préférence dont vous vous flattez vainement.

— Dites plutôt dont j’ai une peur horrible.

— Eh bien ! soyez tranquille, il n’y a pas dans tout l’État un jaguar assez malavisé pour préférer une peau noire et dure comme la vôtre à la chair des jeunes génisses ou des poulains qu’il peut se procurer à discrétion et sans aucun danger. Les jaguars qui sont près d’ici riraient bien ; s’ils vous entendaient.

— C’est de vous plutôt qu’ils riraient, repartit le nègre qui semblait vouloir exciter les passions de l’Indien et faire, un mauvais parti aux animaux féroces qui l’effrayaient.

— Et pourquoi cela, s’il vous plaît ? Sachez que ni hommes ni tigres ne riraient impunément de Costal.

— Pourquoi ? Eh ! parbleu ! parce qu’ils trouveraient fort drôle que vous, qui êtes tigrero de votre métier et payé par le seigneur don Mariano Silva pour chasser et détruire les jaguars qui dévorent ses jeunes bestiaux, vous ne vous mettiez pas à la poursuite de ce couple dont vous venez de me montrer les traces sur les bords de cette rivière.

— Soyez certain qu’ils ne perdront rien pour attendre ; je saurai toujours retrouver leurs traces, et un jaguar dont je connais la tanière est un jaguar mort. Mais je ne me mettrai pas en chasse avant demain. Aujourd’hui est jour de nouvelle lune, jour où, dans la nappe des cas-