Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/54

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Convaincu de sa méprise dans ce sens-là, Clara, les yeux brillants de terreur, fit mine de s’enfuir vers l’hacienda.

« Prenez garde ! dit Costal, qui paraissait s’amuser de l’effroi de son compagnon, on dit que les tigres sont très-friands de chair noire.

— Vous m’avez prouvé le contraire.

— Peut-être ai-je de faux renseignements sur les mœurs de ces animaux ; mais ce que je sais positivement, pour en avoir fait cent fois l’expérience, c’est que lorsque le mâle et la femelle sont ensemble, il est bien rare que près de l’homme ils hurlent ainsi ; il y a des chances pour que ceux-ci soient séparés. Vous risqueriez de vous trouver entre deux feux, à moins toutefois que vous ne vouliez leur procurer le plaisir de vous donner la chasse.

— Dieu m’en préserve !

— Alors, ce que vous avez de mieux à faire, c’est de rester auprès d’un homme qui n’a pas peur d’eux. »

Le nègre hésitait, cependant, lorsqu’un second hurlement non moins caverneux que le premier, se fit entendre dans une direction contraire et confirma l’assertion du tigrero.

« Vous voyez, qu’ils sont en expédition, qu’ils se sont partagé le terrain, et qu’ils donnent de la voix pour s’avertir. Maintenant, si le cœur vous en dit, ajouta Costal en faisant signe de la main, au nègre qu’il pouvait s’enfuir, libre à vous ! »

Bien convaincu que le danger existait devant et derrière, Clara, pâle à la façon des nègres, c’est-à-dire le visage passé du noir au gris foncé, se rapprocha tout tremblant de son imperturbable compagnon, dont la main n’avait pas fait même un geste vers la carabine déposée sur l’herbe à côté de lui.

« Cet associé ne me paraît guère brave, se dit l’Indien ; mais je m’en contenterai jusqu’à ce que j’en