Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouve un plus intrépide. Puis, reprenant le cours de ses pensées, interrompu par les hurlements des jaguars, il ajouta tout haut : Quel est l’Indien, quel est le hoir qui n’offrira pas son bras au prêtre soulevé contre les oppresseurs, qui ont fait des Zapotèques, des Mexicains, des Aztèques, des esclaves pour les servir ? N’ont-ils pas été plus féroces envers nous que les tigres ?

— J’en aurai moins peur, du moins, murmura le nègre.

— Demain, je dirai au maître qu’il cherche un autre tigrero, reprit Costal, et nous irons rejoindre les insurgés de l’ouest.

— Vous devriez, néanmoins, le débarrasser auparavant de ces deux animaux, » dit Clara, qui conservait rancune à ceux-ci.

Le nègre achevait à peine, que, comme si les jaguars dont il parlait eussent voulu mettre à une dernière épreuve la patience du tigrero zapotèque, un troisième miaulement, plus flûté, plus prolongé que le premier, se fit entendre dans la même direction, c’est-à-dire en amont de la rivière qui coulait aux pieds des deux compagnons.

Aux terribles accents qui retentissaient à ses oreilles, semblables à un cri de défi, les yeux de l’Indien se dilatèrent et l’irrésistible ardeur de la chasse brilla dans ses prunelles.

« Par l’âme des caciques de Tehuantepec ! s’écria-t-il, c’est trop tenter la patience humaine, et je veux apprendre à ces deux bavards à ne plus causer dorénavant si haut de leurs affaires. Venez, Clara, vous allez savoir ce que c’est qu’un jaguar vu de près.

— Mais je n’ai pas d’armes, s’écria le noir, effrayé plus encore peut-être d’aller chasser les tigres que de se laisser chasser par eux. Quand je vous ai parlé de purger les terres de l’hacienda de ces deux démons, je n’entendais pas vous accompagner : je le jure par tous les saints du paradis.