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saient sous la brise du désert, qui souffle en liberté comme le vent de la mer et semble apporter avec elle un enivrant parfum d’indépendance.

Indien et chasseur, Costal l’aspirait par tous les pores.

Quant à Clara, s’il frémissait comme les roseaux des rives, la peur y avait plus de part que l’enthousiasme, et ses traits empreints de frayeur contrastaient autant avec la contenance calme du tigrero, que les masses noires projetées par l’ombre des arbres avec les nuages de pourpre que répétait la rivière dans son cours.

L’embarcation suivit d’abord les sinuosités des rives qui bornaient la vue des deux navigateurs. Parfois des arbres inclinés courbaient leurs troncs sur les eaux et sur chacun d’eux le noir s’attendait à voir luire les yeux d’une bête féroce prête à s’élancer sur la pirogue.

« Por Dios ! disait le noir en frissonnant, chaque fois que l’embarcation longeait de près ces arbres inclinés sur l’eau, ne passez pas si près ; qui sait si l’ennemi n’est pas caché derrière ces feuillages ?

— J’ai mon idée, » répondait Costal.

Et l’Indien continuait à faire voguer son canot d’un bras vigoureux, sans paraître s’inquiéter des dangers que les fourrés des saules pouvaient recéler.

« Quelle est donc votre idée ? demanda enfin Clara.

— Une idée bien simple et que vous allez approuver.

— Voyons !

— Il y a deux jaguars ; je ne parle pas des petits ; comme vous n’avez pas d’armes, ceux-là vous regardent ; vous en prendrez un de chaque main, par la peau du cou, puis vous leur briserez à tous deux le crâne en les frappant l’un contre l’autre. Rien de plus simple.

— Cela me paraît, au contraire, très-compliqué, et puis, d’ailleurs comment, pourrai-je courir assez vite pour les attraper ?