Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Écoutez, Clara ; l’animal qui s’est, fait entendre le premier est le mâle, qui appelle sa femelle. Il doit être assez loin d’ici, en amont de la rivière, et comme il n’y a pas un cours d’eau dans toute l’étendue de l’hacienda sur lequel je n’aie, pour les besoins de ma profession, ou une pirogue ou un canot…

— Vous en avez un ici ? interrompit Clara.

— Précisément ; nous allons nous en servir pour remonter la rivière. J’ai mon idée à ce sujet ; vous verrez ; mais, en attendant, vous ne courrez ainsi aucun danger.

— On prétend que les jaguars nagent comme des phoques, murmura le nègre.

— Je ne puis le nier. Allons, venez vite. »

Le tigrero s’était élancé, en disant ces mots, vers l’endroit de la rive où était amarrée son embarcation, et Clara, préférant le danger d’accompagner le chasseur à celui de rester seul, le suivit au petit trot, en maudissant au fond de son âme l’imprudence qu’il avait commise en excitant Costal à se mettre en chasse.

Quelques instants après l’Indien déliait les nœuds de la corde qui retenait sa pirogue aux racines d’un saule. C’était une pirogue creusée dans un tronc d’arbre, mais assez large pour contenir deux personnes au besoin.

Deux avirons courts servaient à la manier dans les passes les plus larges comme dans les plus étroites. Un petit mât garni d’une natte de roseaux pour faire l’office de la voile, en cas de nécessité, était déposé au fond de la petite embarcation. Costal le rejeta, sur la rive comme inutile en cette occasion, prit place à l’avant, tandis que le nègre s’assit à l’arrière, et, donnant à la pirogue une vigoureuse impulsion qui la fit glisser au milieu de la rivière, il commença d’en remonter le courant.

Les saules et les frênes allongeaient déjà de grandes ombres sur ces eaux que le soleil allait bientôt éclairer de ses derniers rayons. Les roseaux des rives frémis-