Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/71

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terrompre cet étrange manège, le désir d’apprendre enfin où il était et quelle route il devait suivre le décida à élever la voix et à crier de toutes ses forces pour attirer l’attention de ces deux hommes. Mais, quelle que fût la vigueur de ses poumons, le bruit assourdissant de la cataracte l’empêcha de se faire entendre. Alors il se résolut à gagner l’endroit où le nègre et l’Indien lui apparaissaient, et il reprit le chemin par lequel il était venu.

Don Rafael remonta péniblement jusqu’à l’arcade formée par les deux cèdres au-dessus de la chute d’eau ; mais les deux personnages avaient disparu. Il se hissa avec bien des précautions sur l’un des deux gros arbres et considéra la cascade avec une nouvelle attention, espérant y découvrir quelque objet de nature à justifier les manœuvres du noir et de l’Indien. Il n’aperçut que ce qu’il avait vu déjà : la nappe d’écume et de longs filets d’eau qui serpentaient dans les fissures du rocher et revenaient s’absorber dans la masse commune.

Cependant les lieux que l’officier venait de quitter n’étaient plus déserts, à en juger par une ondulation bien marquée au milieu des taillis épais du ravin. Le feuillage agité, sur une ligne tortueuse, prouvait que, comme il avait fait tout à l’heure, quelqu’un s’appuyait sur le tronc des arbres pour descendre, mais du côté opposé à celui qu’il avait occupé.

Le soleil baissait sensiblement ; ses derniers reflets venaient de s’éteindre dans la nappe écumeuse de la chute d’eau, et, malgré la teinte crépusculaire qui avait subitement envahi le fond du ravin, le dragon reconnut facilement, dans les deux hommes qui sortirent tout à coup du couvert des bois, le nègre et son compagnon.

L’air de ces deux individus était grave et même solennel ; celui du noir surtout ne paraissait pas exempt de quelque sécrète frayeur.

« Le diable soit de ces drôles, qui semblent fuir quand j’approche ! » s’écria l’officier.