Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/81

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fracas de la chute d’eau, un peu amortie cependant par la brise qui l’emportait au loin, vint frapper son oreille et lui arracher un geste de surprise.

« Qui va là ? s’écriait la voix menaçante.

— Dites : Qui reste là ? » répondit don Rafael en retrouvant toute son assurance devant des êtres humains, fussent-ils des ennemis.

En même temps deux hommes se montrèrent, dans lesquels le dragon reconnut ceux qu’il appelait ses sauvages.

« Enchanté de pouvoir vous parler enfin, mes braves, dit-il avec un sans-façon tout militaire et en faisant exécuter à son cheval une brusque manœuvre qui le mit face à face avec les deux inconnus qui débouchaient derrière lui sur la berge élevée de la rivière.

— Peut-être ne le sommes-nous pas, nous, repartit Costal d’un ton brusque et en faisant passer, non sans ostentation, sa carabine d’une épaule sur l’autre.

— Vive Dieu ! j’en serais fâché, reprit le dragon en laissant voir un franc sourire sous ses épaisses moustaches ; car je ne suis pas égoïste, et je n’aime pas à être content tout seul. »

En disant ces mots avec un air de bonne humeur qui fit impression sur l’Indien, don Rafael rebouclait les courroies de son mousqueton, comme une arme inutile, en dépit de l’attitude presque hostile de ses deux interlocuteurs.

« Peut-être, ajouta-t-il en fouillant dans la poche de son gilet, me gardez-vous rancune des pierres que je vous ai jetées au fond du ravin, où vous aviez l’air fort occupés de choses qui ne me regardent pas ; mais vous voudrez bien excuser un voyageur fourvoyé dont la cascade couvrait la voix, et qui ne savait comment attirer votre attention de son côté ; ensuite, vous rendrez justice à la délicatesse et au soin avec lesquels j’ai visé à ne pas vous atteindre. »