Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

brise embaumée, régulière comme le soufflé de la nature endormie sous le manteau étoile de la nuit, succéda une autre brise imprégnée de senteurs marécageuses, saccadée, haletante comme un souffle de terreur.

Ce silence inquiétant fut de courte durée ; bientôt le voyageur crut entendre encore bourdonner à son oreille le bruit lointain et sourd de la cataracte qu’il venait de quitter. Seulement ce grondement éloigné semblait s’être déplacé : ce n’était plus derrière lui qu’il retentissait ; c’était vers l’horizon qu’il cherchait à gagner.

Il crut s’être trompé de route et revenir sur ses pas ; mais la lune à sa gauche, son ombre et celle de son cheval à sa droite, lui annonçaient qu’il était toujours dans la bonne voie. Alors son cœur battit plus rapidement, parce que, s’il devait en croire l’Indien, un danger s’avançait, contre lequel ni son mousqueton ni sa rapière de fine trempe, ni ce cœur fort que l’officier mettait au service d’un bras vigoureux, ne pouvaient lui être d’aucun usage. Le jarret nerveux de son cheval était son unique défense, son dernier moyen de salut.

Heureusement une longue route n’avait pas épuisé les forces de l’animal, qui, de son côté, dressait les oreilles et aspirait de ses naseaux largement ouverts le vent humide qu’envoyaient les eaux au-devant d’elles, comme un message précurseur.

Ce devait être une lutte entre le cavalier et l’inondation, à qui gagnerait, le premier des deux, l’hacienda de las Palmas.

L’officier laissa mollir la bride ; les molettes sonores de ses éperons de fer retentirent contre les flancs de son cheval : la lutte de vitesse était commencée. La savane semblait couler comme un fleuve rapide sous les jambes du dragon. À sa droite et à sa gauche, on eût crut voir fuir les buissons et les palmiers de la forêt.

L’inondation accourait de l’est vers l’ouest ; le cavalier s’élançait de l’ouest vers l’est, et la rapidité de