Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/89

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nus, c’est-à-dire sans bas. Il était petit de taille ; son teint basané n’ôtait rien à la douceur de sa physionomie, et malgré la solennité terrible du moment, un grand calme brillait sur son front.

Don Rafael le regardait faire sans l’interrompre, mais avec un sentiment de profonde reconnaissance. Quand le muletier crut avoir, suffisamment frictionné le cheval pour lui rendre une élasticité momentanée :

« L’animal a du fond, dit-il ; il n’est pas encore fourbu, car aucune pulsation ne se fait sentir au garrot, quoique les naseaux et les flancs aient un mouvement simultané. Il ne s’agit donc que d’ouvrir à sa respiration une plus large voie. Venez m’aider dans ce que je vais vous dire et dépêchons-nous, car des bruits sinistres grondent là-bas, et le tocsin d’alarme sonne à coups redoublés. »

Ce n’était que trop vrai, et la brise apportait avec d’étranges rumeurs les tintements précipités de la cloche lointaine, avant-coureurs du glas funèbre, pour dire à tous ceux qui erraient dans la campagne de se hâter pendant qu’il était temps encore.

« Bandez les yeux du cheval avec votre mouchoir, » continua le muletier.

Et pendant que le dragon s’empressait d’obéir, il tirait de la poche de son tablier de cuir une corde dont il entourna fortement le nez de l’animal juste au-dessus des naseaux.

« Tenez cette corde de toutes vos forces, » dit-il à don Rafaël.

Puis le muletier dégaina un couteau affilé, dont il enfonça la lame dans la cloison transparente de l’intérieur des naseaux du cheval.

Le sang jaillit ; l’animal, malgré les efforts de son maître pour le maintenir, se cabra, enlevant avec lui le couteau resté dans la plaie, et retomba sur ses pieds. À peine, ses sabots touchèrent-ils la terre, que le mule-