Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/94

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leur gîte de la nuit et dessellaient leurs chevaux fumants, les travailleurs rentraient de toutes parts, la campagne se vidait, les communs et les écuries se remplissaient, tandis que les ménagères étendaient sur les plaqués chaudes du comal les tortillas ou galettes de maïs destinées à remplacer le pain, et préparaient le repas du soir ; et les vaqueros, les peones et les ménagères, en même temps qu’ils achevaient ou commençaient leurs travaux, murmuraient tous au son de la cloche les oraisons de l’Angelus.

Le soleil brillait encore cependant, et les derniers rayons dont il incendiait la plaine dardaient leurs clartés dorées à travers les épais barreaux et les losanges du treillis vert d’une fenêtre située au premier étage de l’hacienda. Un voyageur venant du côté de l’ouest eût pu, du milieu de la plaine et du haut de sa selle, voir les plis d’un rideau blanc frémir derrière les barreaux et le treillis.

Mais la plaine était déserte, ou du moins, à l’exception des peones attardés, nul voyageur ne s’y laissait distinguer au milieu du brouillard lumineux qui l’enveloppait.

Ce ne fut que quelques minutes plus tard, au moment où le soleil, en s’abaissant graduellement, cessa d’éclairer les barreaux, que le rideau blanc s’écarta et laissa pénétrer un flot de lumière dans la chambre éclairée par cette fenêtre presque grillagée à l’orientale. Toutefois, quelque élevée qu’eût été la selle du voyageur venant de l’ouest, il n’aurait pu voir le tableau que présentait l’intérieur de la chambre dont il s’agit.

Trois femmes s’y trouvaient en ce moment. Deux d’entre elles étaient sœurs, à en juger par leur air de famille plutôt que par leur ressemblance proprement dite. C’étaient les filles de don Mariano ; la troisième n’était que la femme chargée de les servir.

On peut condamner en Europe l’indolence des créoles des pays chauds de l’Amérique ; mais celui qui les a vues,