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celui qui ne rêve pas la réhabilitation politique de la femme, qui pense que la femme est faite par Dieu pour délasser l’homme de ses travaux et non pour les partager, que le repos, le calme, l’ombre et un certain sensualisme ne font qu’ajouter à sa beauté, parce qu’ils s’harmonient avec sa nature, celui-là, dis-je, ne saurait faire un crime aux créoles américaines de ne songer, de ne s’occuper qu’à être belles.

Les deux, filles de don Mariano Silva offraient en ce moment, mais à un degré différent, un exemple de cette sensuelle indolence qui semblerait empruntée aux harems de l’Orient, sans la chasteté qui la rehausse et la purifie.

L’une d’elles, les jambes croisées à la mode orientale, était assise sur une natte de Chine ; de longs cheveux noirs, naguère façonnés en tresses, dont ils gardaient encore les grosses ondes, tombaient négligemment et formaient comme un voile qui la couvrait presque tout entière. La jeune fille semblait les livrer machinalement aux mains de sa femme de chambre.

Qui pourrait dire les soins journaliers que donne une créole espagnole à cette chevelure que le fer des ciseaux n’a jamais touchée, et que sa première enfance, transmet intacte à sa jeunesse ? Cependant, la tête pensivement inclinée, la vierge songeait peu sans doute alors à ces cheveux dont les flots s’épandaient sur la natte et que la brosse éparpillait ou que la main réunissait en gerbes, livrant à l’œil et cachant tour à tour les lignes onduleuses de son cou, les blancs contours de ses épaules et une oreille semblable à l’une de ces conques rosées que la mer jette sur les rivages de Tehuantepec.

Le doux visage qu’entouraient de chaque côté les gerbes noires et ruisselantes de cette chevelure réunissait, les traits distinctifs de la beauté créole sans les défauts qui parfois la déparent, et son expression fière et calme à la fois dénotait l’enthousiasmé ardent que cachent presque toujours ces dehors d’indolente sérénité.