Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/98

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Ses yeux interrogèrent l’horizon de la plaine. Pendant ce temps, sa sœur s’était assise sur un fauteuil de cuir, et, rejetant sur chaque épaule, de sa main et d’un mouvement brusque de sa tête, le voile épars de ses cheveux, elle resta immobile et rêveuse.

« J’ai beau regarder de tous mes yeux, la plaine est déerte, s’écria Marianita, et je ne puis pas plus voir de don Fernando que de don Rafael. Ma pauvre Gertrudis, j’ai bien peur d’avoir fait d’inutiles frais de toilette. Dans une demi-heure le soleil sera couché.

— Don Fernando viendra, dit Gertrudis d’une voix douce et calme.

— On voit bien à ton accent tranquille que tu n’attends pas ton novio[1] comme moi et pourquoi ne dirais-je pas que c’est avec une impatience nerveuse qui me fait désespérer de le voir arriver ? Tu ne connais pas cela, toi, Gertrudis !

— À ta place, j’éprouverais plus de tristesse que d’impatience.

— De tristesse ! Oh non ! et si don Fernando ne vient pas ce soir, ce sera lui qui y perdra le plaisir de me voir avec cette robe blanche qu’il aime tant et ces fleurs de grenadier dans mes cheveux, que je n’y ai mises que pour lui plaire ; car, pour mon goût, j’y préfère les fleurs blanches de marjolaine. Mais j’ai ouï dire que la femme ne doit vivre que de sacrifices. »

En disant ces mots, Marianita fit claquer ses doigts comme des castagnettes, sans la moindre apparence de mélancolie, et au contraire avec la satisfaction d’une conscience tranquille.

Gertrudis ne répondit rien ; mais elle étouffa un soupir, tandis que la brise plus fraîche du soir faisait frissonner les grandes ondes de sa chevelure, et que son petit pied nu balançait son soulier de satin noir.

« C’est fort ennuyeux, cette vie de la campagne, re-

  1. Prétendu.