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CHAPITRE VII

OÙ BARAJA TOMBE DE FIÈVRE EN CHAUD MAL.


Pour expliquer l’origine et la nature du nouveau danger qui menaçait les trois chasseurs, il faut revenir au moment où nous avons laissé le malheureux Oroche suspendu au-dessus du gouffre, serrant entre ses bras le bloc d’or qu’il venait d’arracher avec tant de peine du flanc du rocher. Succombant sous le poids de son fardeau, il eut un moment la pensée de le remettre à Baraja ; mais il se ravisa bientôt, car il jugeait son compagnon d’après lui-même, et il connaissait trop bien sa rapacité pour ne pas être convaincu que, lui livrer sa proie, c’était se livrer lui-même à l’abîme. L’hésitation n’était plus permise ; il préféra de s’engloutir avec son trésor.

Baraja avait impitoyablement tranché les torons de la corde les uns après les autres, en entremêlant son affreuse besogne de prières furieuses et de malédictions suppliantes. Le dernier fil qui retenait le gambusino s’était rompu de lui-même ; c’était donc bien le corps d’Oroche que les chasseurs avaient vu traverser comme un nuage noir le voile transparent de la chute d’eau.

Épouvanté de ce qu’il venait de faire, non pas du meurtre qu’il avait commis, mais de la disparition du bloc d’or, Baraja jeta au fond du gouffre un regard de désespoir. Mais il n’était plus temps : l’abîme ne devait plus rendre ce qu’il avait englouti.

La mort d’Oroche laissait Baraja dans une solitude complète à laquelle il songea pour la première fois. Privé de son compagnon, il devait renoncer à tout espoir d’une lutte égale avec les possesseurs actuels du val d’Or.