Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/104

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Il avait bien eu l’idée d’attendre leur départ ; mais, outre que rien ne prouvait que ce départ dût être prochain, la soif inextinguible de richesse qui s’était emparée de lui ne lui permettait pas de l’attendre longtemps.

Une rage sourde se mêlait à son impatience ; les trois chasseurs en étaient l’objet, et il résolut, même aux dépens de sa cupidité, de débusquer de leur poste ceux qui s’étaient si arrogamment déclarés seuls maîtres du val d’Or.

Bois-Rosé et ses deux amis allaient donc, par suite de la féroce avidité du bandit, se trouver exposés au plus grand danger qu’ils eussent encore couru.

Aveuglé précédemment au point de regarder la présence d’Oroche comme préjudiciable à ses intérêts, Baraja, plus avisé maintenant, finit par se déterminer à regagner le camp pour y chercher du renfort. À ce sujet il avait adopté un moyen terme : c’était de faire part de sa découverte à cinq ou six aventuriers tout au plus, et de déserter avec eux, laissant les autres se tirer d’affaire comme ils le pourraient.

Deux obstacles qu’il n’avait pas fait entrer en ligne de compte allaient lui rendre cette détermination impraticable : d’abord la disparition du camp mexicain ; ensuite la présence de Diaz, dont il se flattait d’avoir pleuré la mort, et qu’on a vu remonter à cheval pour aller prendre à la place de don Estévan le commandement de l’expédition.

Il était assez tard déjà quand Baraja s’était résolu à quitter momentanément le val d’Or. Il suivait tout pensif le chemin qu’il avait parcouru le matin avec Estévan, Oroche et Diaz, loin de se douter que ce dernier galopait à quelque distance derrière lui.

Nous n’avons pas besoin de dire qu’il lui avait été facile, en faisant un nouveau détour dans les Montagnes-Brumeuses, de gagner la plaine sans être aperçu des