Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/144

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Le vieux renégat prit alors la parole.

« Eh bien, dit-il en ricanant, Sang-Mêlé, dans sa clémence pour vous, oublie une condition.

– Laquelle ?

– Que vous vous rendiez à discrétion, reprit le métis.

– Laissez-moi donc répondre à ce couple de vipères à queue blanche et à tête indienne, dit Pepe en poussant Bois-Rosé du coude.

– Pepe ! dit gravement le Canadien, depuis qu’un fils m’a confié le soin de sa vie, j’ai un devoir sacré à remplir, et en cas de mort je veux paraître devant Dieu sans reproches. Voyons jusqu’au bout. »

Et Bois-Rosé lança vers Fabian attentif à tout ce qui se passait un regard empreint de toute sa tendresse paternelle. Un tranquille sourire de son enfant le paya de son héroïque patience.

« Voyons, Sang-Mêlé, reprit-il, tâchez d’oublier pour un instant les suggestions du sang indien, et parlez franc, comme il convient à un guerrier sans peur et à un chrétien. Que voulez-vous de nous ? Que ferez-vous de vos prisonniers ? »

Mais la loyauté faisait un vain appel à la perfidie. Sang-Mêlé ne voulut découvrir que la moitié de sa pensée. Quoique certain d’en venir à ses fins, il désirait épargner, non pas du sang, mais du temps, et il se flatta follement que les trois chasseurs préféreraient le sort incertain de la captivité à une mort à laquelle rien ne pouvait les soustraire.

« Je serais fort embarrassé de vous trois, dit-il ; mais il y a un certain Oiseau-Noir dont les guerriers m’accompagnent, et qui vous veulent absolument, et, ma foi, je vous ai promis. »

Le métis s’était servi dans sa réponse du dialecte indien et espagnol, et à ces mots les chasseurs virent surgir à travers les basses branches des buissons des yeux brillants comme ceux d’un tigre embusqué, et un visage