Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/146

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d’adoucir sa farouche physionomie à l’aide d’un sourire menteur.

« Le grand chef indien, dit-il en ayant soin cette fois de se servir de la langue anglaise, que Fabian seul ne comprenait pas, promet à ses prisonniers l’amitié qu’il a conçue pour trois braves ; il leur promet en outre la fleur de ses chasses et les plus belles de ses femmes.

– Et la vie éternelle, Amen ! reprit Pepe, dans le cerveau de qui la vapeur cherchait une soupape pour ne pas éclater. Fi donc ! Bois-Rosé, continua le carabinier, c’est une honte d’écouter plus longtemps ce monstrueux rebut de blanc et de rouge ; ne voyez-vous pas qu’il se gausse de votre honnêteté ?

– Que dit l’Oiseau-Moqueur ? demanda insolemment le vieux renégat.

– Il dit, répondit Pepe, dont la fureur n’avait pas trouvé la soupape nécessaire, et qui éclatait, il dit qu’il ne veut pas être moins généreux que vous deux, et qu’il vous promet trois choses : à vous un second coup de crosse sur le crâne, à votre fils un coup de couteau en plein cœur, et sa langue menteuse jetée en pâture aux corbeaux… s’ils n’ont pas peur de s’empoisonner.

– Ah ! » s’écria Sang-Mêlé, qui ne put que grincer les dents en portant à son épaule avec la rapidité de la pensée sa carabine armée à l’avance.

Le brigand oubliait sa promesse de livrer les trois chasseurs vivants.

L’Espagnol et le Canadien n’avaient pu se baisser à temps, et c’était fait de l’un d’eux, car ils avaient déposé leurs carabines hors de leur portée, si, à une détonation éclatant derrière eux, ils n’eussent vu chanceler le métis sur le sommet du talus.

Fabian connaissait la violence de Pepe, son intempérance de langue dans certains moments, et, couché à plat ventre sur la plate-forme, sa carabine en joue, il veil-