Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/151

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Les Indiens n’ont pas adopté la tactique impétueuse des Européens. Quelque nombreux qu’ils soient, jamais ils ne sacrifieront la vie de leurs guerriers à l’assaut d’une position bien défendue. Les sauvages, avec la férocité du tigre, en ont la patience infatigable. Des jours entiers se passeront, s’il le faut, à guetter leur ennemi, jusqu’au moment où la lassitude, la famine, le manque de munitions ou quelque imprudence le livrera. Ce sont des guerres d’extermination en détail ; mais, quand il y a de part et d’autre même patience, même astuce, même stratégie en un mot, on conçoit que ces guerres doivent durer longtemps.

Malheureusement, les assiégés avaient à peine des vivres pour plus de vingt-quatre heures, et la tactique des assiégeants devait leur être fatale, puisque ces derniers, libres dans leurs mouvements, avaient la facilité de dépêcher un de leurs chasseurs pour se procurer du gibier dans la plaine et dans les montagnes.

« Comment finira tout ceci ? dit le Canadien à voix basse à Pepe.

– Je n’en sais rien, en vérité, j’ignore même quand cela commencera. Je puis vous le dire à vous, je me sens plus à mon aise quand j’ai brûlé une cartouche ou deux, et quand j’entends les détonations et les cris de guerre répétés par les échos autour de moi. »

En effet, autant le silence des solitudes a de charme lorsqu’on sait qu’on y est seul, autant il devient un sujet d’inquiétude lorsqu’on se sent entouré d’ennemis.

Les vœux de Pepe ne tardèrent pas à être exaucés. Deux explosions successives vinrent troubler la tranquillité de l’air. L’une partait des montagnes, l’autre de la plate-forme, où Fabian venait de faire feu, mais inutilement, contre l’ennemi posté sur la hauteur de la cascade.

Trois fois de suite ces doubles explosions se répétèrent sans succès de part et d’autre. Des morceaux d’é-