Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/150

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lède qui, un instant courbées, se redressent bientôt d’elles-mêmes.

Quand donc ce court moment fut passé, tous trois essayèrent de mesurer d’un œil calme et attentif l’étendue du danger qui les menaçait.

Le feu continuant à scintiller au milieu du brouillard des montagnes attira en premier lieu les regards du Canadien.

« Je n’aime pas cette lueur là-haut, dit-il ; bien que les couvertures nous protègent suffisamment de ce côté, cependant il est inquiétant de se sentir fusillé par derrière. Les coquins, avec toutes leurs intentions pacifiques, n’y manqueront certainement pas pour distraire notre attention de leur principal point d’attaque, en face de nous. Le brouillard qui voile les hauteurs n’empêchera pas les Indiens de tirer sur nous au jugé.

– Vous avez raison, ajouta Pepe. Je ne crois pas que le vieux bandit et son digne fils se soient engagés, par leur contrat avec l’Oiseau-Noir, à nous livrer avec nos membres au complet, et ils profiteront des distractions que nous causera le feu de là-haut pour essayer avec leur infernale adresse, soit de nous briser une épaule ou deux à chacun, soit de nous casser un bras ou une cuisse.

« Tenez, Fabian, poursuivit le Canadien, voilà votre poste. Ayez toujours l’œil alerte et le canon de votre carabine braqué sur le foyer. Quand vous verrez luire à travers le brouillard l’éclair d’un fusil, faites hardiment feu et sans trembler, sur la lumière qui jaillira du bassinet. »

Conformément aux avis de Bois-Rosé, Fabian s’embusqua derrière le rempart de laine, le canon de son arme dirigé sur la hauteur. Quant aux deux autres chasseurs, couchés, le visage tourné vers leurs ennemis, et sans qu’à travers les meurtrières de pierre la bouche de leur carabine dépassât d’une ligne la plate-forme de la pyramide, ils guettaient de l’œil les mouvements des assaillants.