Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de renégats blancs et de métis rouges. Ces deux brigands réunissent en eux tous les vices des blancs et ceux des sauvages. Bois-Rosé et moi, nous avons été leurs prisonniers, et j’ai vu entre eux ce que je n’oublierai jamais. J’ai vu le père et le fils, ivres d’eau-de-feu, s’avancer l’un contre l’autre, mutuellement avides de leur sang et la hache à la main. »

Fabian frémissait en entendant ces horribles détails.

« J’ai vu, continua l’ex-miquelet ces deux monstres lutter comme des lions, dont ils ont presque la force, se rouler ensemble dans la poussière, en cherchant à s’entredéchirer… J’ai vu… Ah ! dit Pepe en s’interrompant, voilà un drôle qui va me fournir l’occasion de me refaire la main… il a tort d’être si curieux et de chercher à voir ce que nous faisons… il a tort surtout de s’imaginer que je dois prendre la superbe peinture de son visage pour des feuilles rougies par l’automne, et ses yeux… »

Pepe parlait encore que sa carabine gronda soudain aux oreilles de Fabian. Un cri sauvage répondit à la détonation.

« Ce n’est pas lui qui crie, je vous le certifie ; je gage que la balle lui est entrée dans le crâne par l’orbite de l’œil, auquel cas on ne souffle jamais. Oui, don Fabian, continua le chasseur en rechargeant sa carabine, j’ai vu le père et le fils essayant d’arracher, l’un la vie à celui dont il l’avait reçue, l’autre la vie qu’il avait donnée. J’ai vu le fils tenir sous son genou son père implorant sa pitié et dégainer son couteau à scalper pour arracher la chevelure de son père, quand un Indien vint, au risque de sa vie, empêcher cet exécrable forfait. Pouah ! ajouta énergiquement le carabinier, que voulez-vous attendre d’un monstre pareil ? Hé ! Bois-Rosé, nous avons un ennemi de moins.

– Je le sais, puisque vous venez de tirer, » répondit