simplement le Canadien sans se retourner, pour ne pas perdre de vue l’ennemi qu’il guettait.
Un profond silence succéda au lugubre récit de Pepe, pendant lequel les trois vivants, couchés sur la plate-forme, restèrent aussi immobiles que le squelette de l’animal qui en couronnait le sommet et que les morts qui reposaient sous eux.
Deux heures, deux longues heures se passèrent ainsi. Le soleil, devenu presque vertical, lançait sur le haut de la pyramide des rayons de feu, dont l’ombre perpendiculaire des deux sapins ne pouvait tempérer l’ardeur. Le vent du désert semblait être l’exhalaison d’une fournaise ardente, et la soif et la faim se faisaient sentir aux trois chasseurs.
« Dites donc, Bois-Rosé, vous qui faisiez, il y a quelques heures, de si belles descriptions de nos jours d’abondance, que vous semblerait du plus humble des plats dont votre souvenir chargeait notre table ?
– Bah ! Pepe, ne sommes-nous pas restés déjà vingt-quatre heures sans boire ni manger, tout en combattant depuis une aurore jusqu’à l’aurore suivante ? Si vous avez faim, mâchez quelques-unes des feuilles de sapin que la balle de l’indien a fait pleuvoir sur nous, et du diable si, après cela, la saveur amère de la résine ne vous ôte pas l’appétit pour quinze jours.
– Merci, j’aime mieux une simple tranche de chevreuil ou de bison, répondit Pepe, qui avait recouvré sa bonne humeur. Mais vous êtes là-bas tranquille comme un saint de pierre dans sa niche ; n’y a-t-il donc pas quelque rôdeur de votre côté qui se montre dans la plaine à portée de votre carabine ?
– Il y en à quatre ; mais ils sont cachés dans des trous derrière ces pierres plates semblables à celles qui nous abritent aussi, répliqua le Canadien en jetant un coup d’œil à la dérobée vers l’endroit où il avait remarqué les dalles dressées de champ ; mais elles avaient repris leur