Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/182

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– Non, merci, mon enfant, merci, mon vieux compagnon, je refuse votre offre, car le malheur est sur moi. »

Et Bois-Rosé repoussa la carabine que Pepe mettait sous sa main.

« Mais, grâce à Dieu, reprit le coureur des bois, dont le douloureux abattement faisait place petit à petit à une de ces colères de lion comme le géant en ressentait parfois, j’ai encore un couteau pour en éventrer autant qu’il s’en présentera, et des bras assez forts pour les étouffer ou leur briser la tête contre les rochers. »

Pepe n’avait pas repris sa carabine.

« Eh bien, chiens de métis, rebut de la race blanche, Indiens vagabonds, oserez-vous sortir de votre tanière et monter jusqu’ici ? s’écria le Canadien, cédant à un élan de fureur, et apostrophant à la fois Main-Rouge, Sang-Mêlé et ses alliés ; nous ne sommes plus que deux ici à vous attendre. Qu’est-ce qu’un guerrier sans fusil ? »

Un majestueux roulement de tonnerre éclata sous la voûte assombrie du ciel et couvrit la voix de Bois-Rosé ; mais son défi parut être entendu. Un autre Indien, suivant à peu près le même chemin que celui qui l’avait précédé, était arrivé derrière la verte enceinte du val d’Or : seulement il se cachait si soigneusement, qu’on ne voyait que le haut de sa tête jusqu’aux yeux et les rubans rouges qui ornaient sa chevelure.

« Ah ! c’est lui, c’est ce chien de métis, s’écria Pepe sans perdre de l’œil les insignes qui distinguaient, en effet, le fils de Main-Rouge, et tout en cherchant à côté de lui sa carabine. Mais Bois-Rosé l’avait prévenu. Animé par la colère qui grondait dans son sein comme le tonnerre dans le ciel, et voyant le moment arrivé où il allait exercer une éclatante vengeance sur Sang-Mêlé, dont il croyait tenir la vie entre ses mains, le Canadien s’était emparé de la carabine de Pepe et ajustait son coup.

Placé dans la même position que l’Indien auquel il