Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/193

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Avant que le jeune homme, qu’absorbait tout entier l’immense intérêt qu’il prenait à la réussite du plan hardi de l’Espagnol et du Canadien, se retournât pour surveiller à leur tour les ennemis du côté opposé, l’Indien aurait eu le temps de lui briser la tête d’un coup de hache ; mais il était l’un de ceux destinés à être offerts vivants à la vengeance du grand chef, et sa vie était sacrée pour l’Apache

– C’était à la carabine du chasseur blanc qu’il en voulait, et, au lieu d’allonger le bras et de frapper, l’Indien s’avança en rampant pour lui arracher l’arme, objet de sa convoitise. Fabian se retournait à l’instant même.

À l’aspect de cette figure couverte de peinture, au milieu de laquelle deux yeux brillaient comme ceux d’un chat sauvage, incertain s’il était le seul ennemi sur la plate-forme, Fabian sentit un frisson de terreur, mais qui ne dura toutefois qu’une seconde ; étouffant un cri d’appel à ses compagnons, qui aurait pu les trahir et leur faire couper la retraite, réduit à ne pouvoir se servir de sa carabine, que l’Indien venait de saisir par le canon, le jeune homme intrépide enlaça silencieusement le guerrier rouge dans ses bras.

Une lutte acharnée s’engagea.

Dans la répartition de ses dons entre les diverses races humaines, la nature a donné à l’Indien des jarrets si souples et si nerveux que bien peu de blancs peuvent lutter d’agilité avec lui ; mais elle n’a pas doué, tant s’en faut, les bras de l’Indien d’une vigueur égale à celle du blanc.

Soupir-du-Vent en fit la rude expérience.

Deux fois les adversaires, étroitement serrés dans les bras l’un de l’autre, roulèrent sur la plate-forme avec un avantage disputé, et dans l’ardeur de la lutte, la carabine, violemment secouée, fit feu, sans que la balle atteignit aucun des deux lutteurs.

C’était l’explosion qui était parvenue aux oreilles des