Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/200

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rence et qui semblent entraver la marche rapide des faits, comme des nuages des tropiques sous certaines latitudes. Ces nuages flottent dans l’air, au-dessus de l’Océan, blancs et légers comme une plume détachée de l’aile d’une mouette ; l’œil du passager dédaigne de s’en occuper, mais celui du marin les suit attentivement, car souvent le nuage dédaigné grossit, s’étend, couvre l’azur du ciel d’un voile sombre ; ces orages terribles qui bouleversent la mer, arrachent aux navires leurs mâts et leurs voiles, ne jaillissent que des flancs de ces vapeurs d’abord imperceptibles.

C’est aussi l’histoire de la vie. Combien de circonstances futiles qui sont grosses d’événements, et dont l’homme ne daigne pas se préoccuper, ou ne se préoccupe qu’un instant pour les oublier tout aussitôt, comme les trois chasseurs avaient fait du canot d’écorce, qui avait été pour eux le nuage orageux des tropiques !

Au moment de transporter sur un théâtre plus éloigné les scènes qui vont marquer le dénoûment de ce récit, il est quelques incidents que nous prions le lecteur de se rappeler, parce qu’ils lient étroitement le passé à l’avenir.

On n’aura pas oublié peut-être que, dans l’entretien du métis avec l’Oiseau-Noir, le pirate avait murmuré quelques mots à l’oreille du chef indien, et qu’à ces mots des éclairs de colère avaient jailli des yeux du guerrier apache. Le métis avait terminé en faisant espérer à l’Oiseau-Noir qu’il livrerait entre ses mains un Indien au cœur fort et au jarret d’acier, en remplacement de Baraja, son prisonnier ; qu’il remplacerait ses chevaux tués dans le combat, et enfin il lui avait assigné un rendez-vous, pour le troisième jour, à l’embranchement de la Rivière-Rouge, près du Lac-aux-Bisons.

Cela dit, nous ferons un court retour sur les événements qui s’étaient passés à l’hacienda del Venado. Ce