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À la clarté soudaine des éclairs, on eût pu voir les deux chasseurs, dont l’un essayait vainement de consoler l’autre, tristement assis sur une pierre. Tous deux jetaient un regard morne et désolé sur les ravins profonds où le vent s’engouffrait en sifflant, ou sur les pointes aiguës des rochers qui couronnaient la montagne et qui semblaient, comme les tuyaux d’un orgue gigantesque, mugir sous le souffle de la tempête.

Si, lorsque la nuit fut close, quelque voyageur eût erré dans les Montagnes-Brumeuses, il eût entendu se mêler aux bruits de l’orage, tantôt des rugissements comme ceux de la lionne à qui l’on avait ravi son lionceau, et tantôt des cris plaintifs, pareils à ceux de Rachel pleurant dans les solitudes de Rama sans vouloir être consolée, parce que ses fils ne sont plus.

Quand enfin l’orage cessa de gronder, Pepe et Bois-Rosé marchaient encore à l’aventure dans les montagnes, sans leur jeune et vaillant compagnon, sans armes, sans vivres, commençant une de ces terribles phases de la vie du désert, où le chasseur, dénué de tout moyen de lutter contre la faim, est encore impuissant à repousser l’attaque des Indiens ou des bêtes féroces.

Ces deux hommes intrépides venaient cependant de se décider à continuer leur poursuite, car le soleil allait bientôt éclairer une fois de plus ces funestes solitudes ; et déjà, sur la voûte éclaircie du ciel, comme les flambeaux mourants d’une fête nocturne, les étoiles s’éteignaient une à une dans le brouillard du matin.



CHAPITRE XV

SOUVENIRS ET REGRETS.


Il en est de ces incidents, parfois frivoles en appa-