Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/211

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pouvait lui donner le nom de lac, et en effet c’était celui par lequel elle était désignée dans le pays, une douzaine d’hommes se reposaient, les uns adossés contre des troncs de chênes plusieurs fois séculaires, les autres dormant étendus sur l’herbe épaisse qui tapissait les bords de l’eau.

C’était une grande nappe limpide d’une configuration irrégulière, formant une espèce de trapèze. Au bord opposé à celui qu’occupaient ces personnages, et sous une voûte formée par l’entrelacement de branches d’arbres et de lianes, un étroit canal se perdait au milieu d’un réseau de verdure.

Le soleil, encore au début de sa course, lançait obliquement ses rayons qui scintillaient sur la surface de l’eau, où se reflétaient, comme dans un miroir, les arbres de la forêt et l’azur du ciel.

Des plantes aquatiques aux larges feuilles, des nénufars étalant leurs fleurs solitaires au calice d’or et d’argent, de longues guirlandes de mousse grisâtre qui pendaient aux branches des grands cèdres et se balançaient à fleur d’eau, donnaient à cette mare un aspect sauvage et pittoresque.

On l’appelait le Lac-aux-Bisons.

Ce nom lui venait de ces animaux, qui en avaient fait jadis leur abreuvoir favori ; mais, successivement repoussés par le voisinage de l’homme, ils l’avaient abandonné pour des plaines plus désertes. La position isolée de ce lac attirait encore néanmoins sur ses bords des troupes de chevaux sauvages qui préféraient, pour venir se désaltérer, ses eaux cachées sous de profonds ombrages aux rives découvertes du fleuve voisin.

Les vaqueros de don Augustin avaient suivi jusque-là les traces d’une nombreuse cavallada, et ils n’attendaient plus pour commencer la chasse que la venue du maître, annoncée pour le soir du jour où nous les trouvons se reposant dans la forêt.