Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/225

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désert les émouvants récits de leurs chasses, de leurs combats et de leurs superstitieuses croyances.

Nous arrêterons ces détails à la construction du corral pour essayer de donner à présent, en action, une idée plus complète d’une suite de scènes dont le charme et la réalité n’ont rien à emprunter à la fiction. Nous dirons seulement que, l’aguage une fois trouvé, comme les chevaux ne tardent pas à s’apercevoir de la présence de l’homme, à l’aspect insolite du paysage où il a laissé ses traces, plutôt que de les laisser s’y accoutumer petit à petit, les chasseurs, pour ménager leur temps, après la construction de l’estacade, se divisent de nouveau en détachements pour faire une battue dans un rayon de plusieurs lieues, et forcer ainsi les chevaux effrayés à se rabattre vers leur querencia.

Outre les huit vaqueros qui attendaient l’arrivée de don Augustin, vingt autres étaient disséminés, cinq par cinq, pour procéder à cette battue ; comme elle devait se prolonger encore quelque jours, les vaqueros restés cachés près de l’estacade étaient chargés, dans cet intervalle, d’épier l’heure à laquelle les troupes de chevaux se rendraient à l’abreuvoir.

Tandis qu’Encinas dormait, au grand déplaisir du novice, les domestiques de don Augustin avaient dressé les tentes de campagne sous les arbres à l’endroit le plus sombre de la forêt, pour moins effrayer les chevaux ; et, à peine toute cette besogne était-elle terminée, qu’un des domestiques de la suite de l’hacendero vint au galop annoncer l’arrivée des maîtres.

Quelques minutes après, la cavalcade déboucha dans une clairière située entre le lac et le bois. Il était une heure environ, et le soleil dardait perpendiculairement sur la vaste nappe d’eau des faisceaux de lumière ardente. C’était l’heure où, par la chaleur du jour, la nature semble assoupie, où tout se tait dans les bois et dans les plaines, à l’exception des myriades de cigales