Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/227

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– Qui sait ? répliqua Encinas ; j’ai blessé à mort plus d’un bison que je croyais tenir, et que les Indiens ou les loups dépeçaient ensuite loin de moi. »

À ce moment, Oso fit entendre un grognement particulier. Ce n’était plus un de ces hurlements plaintifs qui semblaient, au dire du chasseur de bisons, un souvenir donné à un compagnon absent. Il y avait dans l’intonation du dogue comme un accent de sourde colère.

« Qu’est-ce donc que ça, maître Encinas ? demanda le novice alarmé.

– Rien, reprit le chasseur après avoir jeté un regard sur Oso, dont l’œil brilla un instant et s’éteignit. Oso aura rêvé de quelque Indien, et c’est une malédiction qu’il leur adresse en son langage. »

Il était environ cinq heures de l’après-midi, quand les voyageurs sortirent de la tente où ils avaient fait leur sieste.

Le Lac-aux-Bisons présentait alors un aspect moins sauvage, mais non moins pittoresque. Sur ses bords, et à quelque distance de la tente qu’on avait dressée pour le sénateur et pour l’hacendero, s’élevait celle de Rosarita, dont les contours azurés se reflétaient sur la surface limpide de l’eau, au milieu des plantes aquatiques, et se mêlaient avec les images répétées des objets d’alentour.

Les chevaux de relais qu’on voyait errer çà et là ou paître l’herbe sous l’ombrage épais de la forêt ; ceux des chasseurs de bisons, allongeant leurs têtes au-dessus des palissades où ils étaient enfermés ; enfin, les deux voyageurs allant au-devant de doña Rosarita, qui sortait de sa tente, vêtue d’une robe d’une blancheur éclatante, et semblait une de ces blanches fleurs des nénufars du lac, tout cet ensemble composait un tableau qu’un peintre eût reproduit avec amour.

Prêts à commencer leur journée laborieuse, au moment où les voyageurs avaient achevé la leur, les chasseurs de bisons se disposaient à seller leurs chevaux pour