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— Alors, dit l’hacendero, il est probable qu’il y aura quelques-uns de ces animaux qui se hasarderont ce soir près d’ici. »

Les peaux de bisons à moitié sèches furent arrachées aux piquets qui les retenaient ; les brides et les selles, les bâts et les cantines furent portés dans un endroit écarté ; puis on recouvrit les palissades de nouvelles branches d’arbres, en remplacement de celles dont le soleil avait déjà fané le feuillage. Deux chevaux choisis parmi les plus agiles furent sellés pour les deux vaqueros de don Augustin qui étaient les plus renommés par leur adresse à jeter le lazo.

Alors le sénateur, don Augustin et sa fille s’assirent à l’entrée d’une des deux tentes, dont la portière se referma sur eux de manière à les dérober à l’œil inquiet des chevaux sauvages, sans toutefois leur masquer la vue du lac. Les vaqueros et les chasseurs de bisons se groupèrent du côté opposé à celui où les traces laissées par les animaux montraient le chemin qu’ils suivaient d’habitude pour venir à l’abreuvoir. Les deux autres vaqueros seuls se tapirent avec leurs chevaux dans le corral, près de l’ouverture restée libre et que de longues barres de bois mobiles pouvaient fermer au besoin ; puis les chasseurs attendirent.

Le lac et ses alentours paraissaient déserts. Le soleil venait de disparaître derrière les arbres ; ses derniers rayons empourprés jaillissaient à travers le feuillage et teignaient les eaux du lac. Les calices blancs des nénufars se coloraient de rose, et les oiseaux des bois commençaient à chanter partout leur mélodie du soir.

Au bout de quelques minutes d’attente, pendant lesquelles l’impatiente curiosité de Rosarita colorait d’une teinte rosée ses joues pâlies, un craquement sourd se fit entendre dans le lointain.

Mais le bruit, au lieu de grossir comme quand deux ou trois cents chevaux altérés s’élancent en bondissant