Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/232

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vers leur abreuvoir, écrasant les jeunes arbres et faisant trembler la terre sous leurs sabots, le bruit, disons-nous, au lieu de grossir comme celui d’une avalanche, cessa tout à coup. La troupe sauvage avait aperçu sans doute l’aspect étrange des lieux foulés par l’homme et s’arrêtait saisie d’effroi.

Seulement quelques hennissements, éclatant comme le son des clairons, parvinrent aux oreilles des chasseurs embusqués.

Bientôt cependant les broussailles craquèrent de nouveau, et une demi-douzaine de chevaux plus hardis que les autres montrèrent sur la lisière de la clairière leur tête dressée, leurs naseaux rouges et ouverts et leurs yeux brillants. Leur crinière ondoya un instant sous leurs brusques mouvements, puis, en un clin d’œil, cinq d’entre eux se rejetèrent précipitamment en arrière, et disparurent comme l’éclair au milieu des bois.

Un seul des six coursiers était resté, tremblant sur ses jambes et le cou allongé vers le lac.

C’était un cheval blanc comme la neige, à l’encolure du cygne, dont il avait tout l’éclat, à la croupe arrondie et au large poitrail. Une houppe blanche s’agitait sur son front entre deux yeux sauvages, et sa queue balayait ses jarrets nerveux. Un air de majesté farouche était empreint dans toute sa contenance, à la fois timide et superbe.

« Dieu me pardonne, dit tout bas Encinas à l’oreille du novice, qui avait eu ses raisons pour choisir son poste d’observation à côté du chasseur de bisons, c’est le Coursier-Blanc-des-Prairies.

– Le Coursier-Blanc-des-Prairies, répéta le Novice, qu’est-ce que c’est ?

– Un cheval blanc comme celui-ci, répondit Encinas, qu’on ne peut que rarement approcher, dont ceux qui le poursuivent trop loin ne peuvent plus parler, et qu’on ne peut jamais parvenir à prendre.