Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/233

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– Bah ! vous me conterez ça ? – Chut ! ne l’effrayez pas, mais regardez-le de tous vos yeux ; vous n’en verrez jamais un autre semblable à lui. »

Il était difficile, en effet, de voir un plus bel échantillon de cette magnifique race sauvage, si commune dans certaines parties du Mexique. La force, l’élégance et la légèreté s’harmoniaient si parfaitement chez lui, qu’il eût effacé les plus beaux coursiers qu’ait jamais réunis dans ses écuries le plus riche potentat de la terre.

Quelques bonds le rapprochèrent du lac, et ces bonds étaient si souples et si aisés, qu’il semblait flotter sur l’herbe comme un flocon de brouillard blanc.

D’un autre bond, le noble animal s’élança sur la berge, dressa ses deux petites oreilles et s’arrêta en frémissant, au moment où le cristal du lac répéta comme un miroir l’image de sa fière et noble tête ; puis, avec toute la coquetterie d’une nymphe qui se croit seule, il allongea son cou pour se mieux voir, et posa si délicatement ses deux jambes de devant dans l’eau, qu’il n’en troubla nullement la limpidité et qu’il put y admirer toute la sauvage majesté de ses formes.

« Ah ! seigneur Encinas, dit tout bas le novice, c’est maintenant ou jamais le moment de lui jeter le lazo.

– J’en doute, j’en doute ; il arrive toujours malheur à celui qui veut prendre le cheval des Prairies ; car c’est bien lui, voyez-vous lui seul est aussi beau parmi tous les fils du désert. »

Le coursier au cou et à la blancheur du cygne s’agenouilla dans l’eau, fit entendre un ronflement sonore et se mit à boire, relevant de temps en temps la tête, et interrogeant d’un œil inquiet les profondeurs de la forêt.

Les chasseurs purent voir alors au-dessus des palissades l’un des vaqueros se dresser sur son cheval, puis son buste se courber sur la selle. Son compagnon l’imita.