Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/263

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Nous n’avons plus que quelques mots à dire sur ce sujet. Il arrive parfois qu’une estacade mal construite cède sous le choc terrible de deux, de trois cents poitrails qui la frappent à la fois. Alors c’est un torrent que rien ne peut arrêter, ni les cris, ni les efforts, ni les lazos de mille chasseurs. Hommes et arbres, tout est renversé sur le passage des chevaux ; furieux, éperdus, fuyant avec la rapidité du vent, on croirait, au fracas horrible qu’ils font dans la forêt, qu’elle s’engloutit sous leurs pas. Des tourbillons de poussière accompagnent leur fuite précipitée. Bientôt cependant le calme renaît, et le silence du désert annonce que quelques minutes ont suffi pour mettre une distance de plusieurs lieues entre la troupe, désormais libre, et ceux dont elle avait été captive un instant.

Le lecteur connaît maintenant ces sortes de chasses dans tous leurs détails.

Les farouches habitants des bois étaient vaincus, avons-nous dit ; mais il restait encore à les dompter par la faim, avant de les conduire aux agostaderos (pâturages) à l’aide de juments apprivoisées.

Cette opération devait demander encore cinq ou six jours aux chasseurs, pendant lesquels il fallait suivre pas à pas les progrès de la faim, qui seule dompte les animaux les plus jaloux peut-être de leur liberté, et les accoutume à la présence de l’homme.

La chasse était terminée, et la nuit avait succédé au jour.

C’était une nuit de fête pour les vaqueros triomphants, qui venaient d’accomplir un de ces exploits de chasse dont on parle longtemps durant les veillées des savanes. Don Augustin avait fait distribuer à ses hommes une large ration d’eau-de-vie de Catalogne. Assis autour d’un immense brasier, près duquel rôtissait un chevreuil tout entier, ils s’entretenaient encore des événements de la journée quand les étoiles marquaient minuit.