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l’Indien, et qu’on peut comparer à notre pas gymnastique porté à sa dernière perfection.

C’était le jeune Comanche, Rayon-Brûlant, qui suivait seul le sentier de la guerre.

Le loyal jeune homme avait à cœur de venger son honneur, qu’il regardait comme entaché depuis le meurtre des blancs qui s’étaient fiés à sa parole, et il accomplissait seul une de ces prouesses aventureuses que semblent avoir ressuscitées des anciens temps les chevaliers errants du désert.

À l’endroit où il était parvenu, un coude formé par la rivière lui cachait le canot qui en remontait le cours. L’Indien s’approcha de la rive, fit un paquet de ses munitions, qu’il enveloppa dans son manteau de peau de buffle. À l’aide de courroies passées sous le menton, il assujettit solidement sur sa tête ce paquet, au-dessus duquel il avait lié sa carabine, et il entra doucement dans la rivière, qu’il fendit d’un bras vigoureux.

Quelques minutes après il prenait terre sur la rive gauche. Profitant avec une adresse infinie de tous les abris, de toutes les inégalités du terrain, le Comanche, invisible aux deux bandits, se mit bientôt en ligne droite avec eux, puis les dépassa, et gagna l’endroit de la rive qui faisait face à l’Île-aux-Buffles.

Les accidents de la Rivière-Rouge lui semblaient familiers ; car, sans hésiter, sans chercher un instant, il trouva le gué qui conduisait de la rive à l’île, dans laquelle il aborda bientôt sous les saules qui en ombrageaient les bords. Là, caché sur la pointe contre laquelle se brisait le courant de la rivière, il disparut, et l’œil le plus exercé eût en vain cherché à le découvrir.

Main-Rouge et, Sang-Mêlé dirigeaient évidemment leur canot vers l’Île-aux-Buffles, où ils ne tardèrent pas à s’arrêter, à peu près au centre. Rayon-Brûlant n’avait pas perdu un seul de leurs mouvements. Il les vit amarrer leur canot et prendre terre, après avoir eu la pré-