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Cela dit, l’Indien rompit la conférence et partit au galop. Wanderer suivit de l’œil le jeune guerrier bondissant dans le désert sur son coursier sauvage et fougueux comme lui, enivrés tous deux du bonheur de sentir siffler à leurs oreilles ce vent libre comme eux ; spectacle imposant et poétique qui ne peut être comparé qu’à celui d’un navire voguant à pleines voiles en fendant l’immensité de l’Océan.

Maintenant que nous avons comblé les lacunes du passé, il est temps de retourner vers Pepe et le Canadien, au val d’Or.



CHAPITRE XXI

LES ÂMES EN PEINE.


Il ne restait au ciel nulle trace de l’orage qui avait grondé toute la nuit dont fut suivie la disparition de Fabian ; mais la terre en portait encore l’empreinte. La pluie avait battu, foulé, égalisé le sol ; toute trace humaine avait disparu, et des voix muettes la veille chantaient dans les montagnes : c’étaient des cascades fangeuses, des torrents bourbeux qui roulaient dans la plaine le limon, les herbes sèches et les arbustes souillés, arrachés au flanc des rochers.

Au-dessus de ces scènes de désolation, car ces flots jaunes baignaient des cadavres d’Indiens étendus sur la terre, le soleil brillait dans un ciel limpide comme d’habitude.

Un homme, la tête courbée, sur la face énergique duquel la douleur semblait en une nuit avoir creusé des rides profondes comme les crevasses ouvertes par l’orage au pied des Montagnes-Brumeuses, était assis seul sur