Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/276

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un quartier de roc, près de la pyramide du Sépulcre. Ses cheveux gris flottaient autour de ses joues, dont le hâle avait pâli ; il paraissait ne pas s’apercevoir des rayons de feu qui tombaient sur son front nu.

C’était le pauvre chasseur canadien.

Sa force d’âme habituelle, ébranlée déjà par ses angoisses précédentes au sujet de Fabian, semblait avoir disparu tout à coup sous ce dernier choc. Il était immobile et sans regards ; le désespoir était arrivé chez lui au dernier période, celui où il devient muet. Mais aussi, dans un cœur fortement trempé, c’est le moment qui précède le réveil de l’énergie. Il resta bien longtemps plongé dans cette torpeur, car les torrents formés subitement par la pluie de la nuit avaient cessé d’abord de mugir, puis avaient murmuré doucement et s’étaient enfin tus ; Bois-Rosé n’avait pas encore changé d’attitude.

Cependant, semblable à l’homme qui se réveille après une longue léthargie, le vieux coureur des bois releva lentement la tête. Son bras s’allongea machinalement autour de lui, sa main s’ouvrit comme pour chercher et saisir son arme de prédilection ; mais ses doigts ne rencontrèrent que le vide.

Ce fut le premier choc qui le rappela à la vie extérieure ; il se souvint ; puis il leva vers le ciel ses deux bras désarmés.

En ce moment, un homme tournait la chaîne de rochers dont il a été si souvent question, et se montra ; Bois-Rosé le vit, tressaillit, et sa physionomie s’éclaira d’un pâle éclair de joie.

C’était Pepe. Le visage d’un ami n’est-il pas toujours comme un reflet de la Providence qui veille ?

Un nuage sombre couvrait aussi le front du chasseur espagnol, d’ordinaire si insouciant. Un rapide regard jeté sur son vieux compagnon le rassura, car Bois-Rosé venait vers lui. Le front de Pepe s’éclaircit ; il sentit que