Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/282

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– C’est ainsi que j’aime à vous retrouver, Bois-Rosé, comme ce jour où, dans une position fort délicate, ma foi, je vous voyais fumer tranquillement, tout attaché que vous étiez à ce fameux poteau que vous savez, quand, au son d’une certaine carabine que vous connaissiez si bien, vous retournâtes la tête sans étonnement, au moment où l’Indien qui avait déjà entamé la peau de votre front tombait comme frappé d’asphyxie.

– Sans étonnement, c’est vrai, Pepe, car je vous attendais, reprit simplement le Canadien.

– Je ne vous dis pas cela pour vous rappeler ce petit service, mais parce que cela doit vous prouver qu’il ne faut jamais désespérer de rien dans ce bas monde. »

Les deux chasseurs étaient parvenus au même emplacement qu’occupaient les Indiens la veille. Bois-Rosé, debout sur le glacis qui couronnait le talus, ne put s’empêcher de jeter un mélancolique regard sur la plate-forme de la pyramide en face de lui, et sur laquelle ils étaient retranchés eux-mêmes, forts de leur union, de leur force et de leur courage. Leur union était rompue, leur force brisée ; le courage leur restait seul.

« Ah ! s’écria le Canadien, voilà le premier mouvement de joie qui ait fait battre mon cœur depuis hier soir.

– Qu’est-ce ? dit Pepe en se rapprochant de son compagnon.

– Tenez ! »

Bois-Rosé montrait à l’Espagnol un lambeau de la veste d’indienne de Fabian, que la force du vent, sans doute, avait fixé entre les tiges des buissons.

« Il est venu jusqu’ici, reprit le Canadien avec une joie triste, et c’est en se défendant que ce morceau d’étoffe aura été arraché de son corps.

– Sa veste était bien mûre, à ce pauvre garçon, tout riche qu’il aurait pu être, dit Pepe en souriant ; mais cela prouve aussi que je ne me trompe pas quand je dis