Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/283

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qu’il vit. Et, à ce propos, croyez-vous encore que les Indiens aient tant de sollicitude pour les cadavres blancs ?

– C’est vrai, répondit Bois-Rosé ; je n’avais pas songé à venir en chercher la preuve ici. »

Un lugubre spectacle plaidait éloquemment en faveur de cette dernière assertion de Pepe ; c’était le cadavre de Baraja étendu à l’endroit où la balle du Canadien l’avait fait tomber. Le malheureux semblait encore couver son trésor.

« Si ce chien de métis avait eu la sollicitude pour les morts que vous lui supposiez, dit l’Espagnol, la possession de cet or l’en eût magnifiquement récompensé. Ah ! don Fabian doit sa vie à l’idée que Dieu m’a inspirée de couvrir ce vallon de branchages qui en ont caché la richesse à tous les yeux. »

En effet, combien de fois dans la vie n’a-t-on pas à se repentir ou à s’applaudir d’avoir négligé ou suivi ces inspirations soudaines à l’une desquelles Pepe avait obéi, ainsi que nous l’avons vu !

« Prendrons-nous un peu de cet or, maintenant que nous n’avons plus d’autres armes, Bois-Rosé ?

– À quoi sert l’or dans le désert ? Les bêtes féroces s’éloigneront-elles de nous à sa vue ? Les bisons et les chevreuils bondissant dans les Prairies viendront-ils s’offrir à nous pour les prendre ? Laissons ce val d’Or tel qu’il est, avec ce cadavre comme une preuve de la punition du méchant. Ce lambeau d’indienne est pour moi plus précieux mille fois que toutes ces richesses inutiles. »

Les deux chasseurs avaient surpris tous les secrets dont ils pouvaient espérer que cet endroit leur fournirait la révélation, et ils se dirigèrent du glacis des rochers vers les Montagnes-Brumeuses, où le dais de brouillard qui les couvrait pouvait encore cacher sous ses plis l’explication de bien des mystères.

« Arrêtons-nous ici un instant, dit Pepe quand ils eu-