Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/312

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des bois. Mon fils cherche à connaître si c’est bien celui-là que sa lance a frappé. Veut-il en prendre la part que nous lui avons réservée ? Il prouvera ainsi à trois guerriers blancs qu’il est leur ami. »

L’Indien leva enfin la tête.

« Un Comanche, répondit-il, n’est pas l’ami de tous les blancs qu’il rencontre ; il veut savoir, avant de s’asseoir à leur feu, d’où ils viennent, où ils vont, et quel est leur nom.

– Caramba ! dit Pepe à demi-voix, le jeune homme est fier comme un chef.

– Mon fils parle avec le noble orgueil d’un chef, répliqua Bois-Rosé en répétant plus courtoisement la phrase du carabinier. Il en a le courage sans doute, mais il est encore bien jeune pour conduire des guerriers sur le sentier de la guerre ; et cependant je lui répondrai comme je ferais au chef d’une peuplade. Nous venons de traverser le pays des Apaches, nous suivrons jusqu’à la fourche de la Rivière-Rouge la trace de deux bandits : celui-ci est Pepe le Dormeur, celui-là est le Chercheur d’or dont les Indiens ont pris la chevelure, et moi je suis le Coureur des bois du bas Canada. »

L’Indien avait écouté gravement la réponse de Bois-Rosé.

« Mon père, répondit-il, a la prudence d’un chef, dont il a l’âge ; mais il ne peut faire que les yeux d’un guerrier comanche soient aveugles ni que ses oreilles soient sourdes. Parmi les trois guerriers à peau blanche, il en est deux dont sa mémoire a retenu les noms, et ce ne sont pas ceux qu’il vient d’entendre.

– Holà ! reprit vivement Bois-Rosé, c’est me dire poliment que je suis un menteur ; et ma langue n’a jamais su proférer un mensonge, ni par peur ni par amitié. » Puis le Canadien continua d’une voix irritée :

« Quiconque accuse Bois-Rosé de mensonge devient son ennemi ; arrière donc Comanche, et que mes yeux ne