Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les trois blancs, l’Indien ne tenait en apparence nul compte de leur présence.

« C’est notre amphitryon, reprit Pepe ; dois-je, pour le remercier, essayer sur lui la portée de ma nouvelle carabine ?

– Gardez-vous-en bien, Pepe ; quelque brave que puisse être cet Indien, son calme, car il nous voit sans paraître daigner y faire attention, annonce qu’il n’est pas seul. »

L’Indien, effectivement, continuait son examen avec un sang-froid qui annonçait un courage à toute épreuve, ou du moins celui qui résulte de la confiance dans la supériorité du nombre, et sa carabine, passée en bandoulière sur son épaule, semblait être pour lui plutôt un ornement qu’une arme offensive.

« Ah ! c’est un Comanche, continua Bois-Rosé ; je le reconnais à sa coiffure ainsi qu’aux divers ornements de son manteau de buffle ; et le Comanche est l’ennemi implacable de l’Apache. Ce jeune homme est sur le sentier de la guerre. Je l’appellerai, car les moments sont trop précieux pour agir de ruse et ne pas aller droit au but. »

Le Canadien s’empressa d’exécuter son projet, qui souriait à la loyauté de son caractère, et il s’avança d’un pas ferme sur le bord de l’eau, également prêt à combattre, si c’était un ennemi que le hasard poussait vers eux, comme à faire alliance avec l’Indien, s’il devait trouver un ami dans le jeune guerrier comanche.

« Hélez-le donc en espagnol, Bois-Rosé, dit Pepe ; de cette façon nous saurons plus vite à quoi nous en tenir. »

Le Canadien leva en l’air la crosse de sa carabine, pendant que l’Indien examinait encore la carcasse du buffle et les empreintes à côté d’elle.

« Trois guerriers mouraient de faim, quand le Grand-Esprit a envoyé vers eux un bison blessé, cria le coureur