Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/32

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« Remontez-moi promptement, pour l’amour de Dieu, s’écria Oroche d’une voix frémissante. Je porte mon pesant d’or vierge. Ah ! je ne me croyais pas si fort ! »

Baraja hâla d’abord la corde avec une ardeur convulsive, bientôt plus faiblement, puis il cessa soudainement tout effort.

Les mains d’Oroche ne pouvaient encore arriver au niveau du sentier.

« Allons ! Baraja, encore ! s’écria Oroche ; roidissez la corde, et je suis à vous. »

Mais Baraja restait immobile.

Une pensée diabolique venait de naître dans son esprit.

« Donnez-moi ce bloc d’or, dit-il ; il paralyse vos forces et je suis à bout des miennes.

– Non, non, mille fois non, s’écria le gambusino, le front ruisselant d’une sueur subite et en pressant son trésor entre ses bras, je vous donnerais plutôt mon âme. Ah ! ah ! reprit-il, vous me lâcheriez alors.

– Qui vous dit que je ne vous lâcherai pas à présent ! dit sourdement Baraja.

– Votre intérêt, répondit le gambusino dont la voix tremblait.

– Eh bien, je ne vous lâcherai pas, mais c’est à une condition. Je veux cet or pour moi seul pour moi seul, entendez-vous ? Donnez-le-moi… ou je vous abandonne au gouffre. »

Oroche frissonna jusqu’à la moelle des os.

À la vue du visage livide de Baraja, le malheureux maudit sa folle confiance.

Il voulut essayer de faire un effort, mais le fardeau qu’il portait paralysait ses bras. Il resta immobile comme l’homme qui tenait sa vie entre ses mains.

« Je veux cet or, entendez-vous ? reprit Baraja ; je le veux, ou je lâche la corde… ou je la coupe. »

Et il tirait de sa gaîne un poignard tranchant.