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périlleux avantage de se faire suspendre au-dessus du gouffre.

Les deux coquins, après s’être rejoints, détachèrent de l’arçon de leur selle le lazo qu’y porte attaché tout cavalier mexicain.

Suivant l’avis de Baraja, les deux longes furent tortillées de manière à porter un poids plus lourd encore que celui d’un homme.

Roulée plusieurs fois sur le tronc d’un jeune chêne vert qui poussait dans une fente de rocher, la double corde était maintenue par Baraja, tandis qu’Oroche, solidement attaché sous les aisselles, descendait petit à petit en se retenant aux saillies du roc et en posant les pieds dans ses fissures.

Au milieu du bruit épouvantable que renvoyait le fond de l’abîme, l’aventurier croyait entendre des voix souterraines qui l’appelaient vers elles ; le vertige était près de s’emparer de lui, mais la cupidité soutint son courage.

Au bout d’une minute, ses pieds étaient au niveau du bloc d’or, puis son corps, puis enfin ses mains. Il put caresser ses contours arrondis et dévorer des yeux l’objet de sa convoitise.

Dans sa délicieuse extase, l’abîme ne grondait plus au-dessous de lui ; il chantait doucement, comme le ruisseau qui murmure et appelle les plus doux rêves.

Les doigts crispés du gambusino saisirent le bloc ; il résista d’abord, puis bientôt remua dans son enveloppe. Deux mains avides étaient insuffisantes pour l’embrasser ; un effort mal dirigé pouvait, en l’arrachant du rocher qui l’enchâssait, le faire tomber dans le précipice. Oroche ne respirait plus, et, penché au-dessus de lui, Baraja partagea ses angoisses.

L’écho de l’abîme répéta deux fois deux cris, le cri de triomphe d’Oroche et celui de son compagnon ; la masse d’or étincelait entre les bras du ravisseur.