Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/347

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l’autre, et tous s’élancèrent au pas de course à travers la plaine.

Rien dans la contenance des nouveaux venus n’annonçait que la petite troupe fût aperçue par eux dans sa manœuvre ; mais il n’en était pas de même parmi les Indiens en embuscade derrière les saules. Ceux-ci poussèrent des hurlements de désappointement et d’alarme.

« Si je pouvais seulement distinguer l’œil d’un de ces hurleurs ! dit Pepe, qui se tenait entre la rivière et les porteurs du canot.

– Surveillez plutôt ceux à votre gauche, Pepe, reprit le Canadien. Ah ! ceux-ci viennent de nous apercevoir aussi. Les entendez-vous hurler à leur tour ? Mais que pas un d’eux ne s’approche à portée de ma carabine, mort-Dieu ! Voyez-vous, Pepe, on a beau dire, l’infanterie est préférable à la cavalerie, dans la guerre des Prairies comme dans celle des pays civilisés. Avant qu’un de ces cavaliers, à moins qu’il ne veuille tirer sur nous au hasard, ait obtenu assez de tranquillité de son cheval pour viser avec quelque chance… je me serai… arrêté… »

En disant ces mots, Bois-Rosé suspendait sa marche et semblait prendre racine dans le sol.

« Oui, je sais ce qu’il veut dire, grommela Pepe en continuant son pas gymnastique à côté des Indiens chargés du canot. Je me serai arrêté… j’aurai visé… et… »

La détonation de la carabine du vieux chasseur interrompit le soliloque de l’Espagnol.

« Et, reprit-il à demi-voix, un Indien tombera de cheval, comme un fardeau dont l’attache est brisée… C’est vrai, parbleu ! en voilà un qui vient de dégringoler de sa monture.

– Vite, dit le Canadien en accourant après ce dernier exploit, tandis que, du fond de la plaine où sa balle avait trouvé une victime, en dépit de l’éloignement, deux coups de feu répondaient inutilement au sien. Vous voyez, Rayon-Brûlant, comment, entre les mains d’un