Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/352

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de ses compagnons, purent traverser sains et saufs la rive découverte et gagner le canot.

Les Apaches de la rive gauche virent, au moment où la petite troupe s’embarquait dans le canot, combien elle était peu nombreuse, et reprirent leur poursuite avec ardeur ; mais il n’était plus temps : les Comanches poussaient au large dans la rivière.

Les cavaliers seuls auraient pu regagner la distance que leur indécision momentanée leur avait fait perdre, mais la Providence, disons mieux, la peur des deux infaillibles rifles les arrêta, et ils continrent leurs chevaux.

« Donnez-moi la main, s’écria vivement Bois-Rosé dès que Pepe et lui se retrouvèrent assis à l’arrière de l’embarcation, qui descendait rapidement le courant du fleuve. Diantre ! quelle peur vous m’avez faite en tombant ! je vous ai cru mort. Dieu soit béni de m’avoir épargné ce nouveau malheur !

– C’est en tombant, au contraire, que j’ai évité la mort, » répondit Pepe en rendant au Canadien une pression de main, sinon aussi rude, du moins tout aussi chaleureuse.

Un long silence suivit ce court échange de félicitations mutuelles ; car les deux braves chasseurs étaient heureux d’entendre encore une fois ensemble, tandis que le canot glissait sans bruit sur le fleuve, les rumeurs nocturnes des déserts, qui les avaient si souvent charmés dans le cours de leur vie, les hennissements de l’élan, les beuglements lointains des bisons, les notes mélancoliques des grands oiseaux de nuit, et parfois les cris retentissants du cygne mêlés à la voix du vent et aux murmures de la rivière.

Les circonstances étaient cependant de celles où la sécurité n’est pas de longue durée. Tant que le canot vogua entre deux rives basses et sablonneuses, le long desquelles se dressaient à peine quelques buissons où ne